Messe à la maison…
Dimanche onze heures moins le quart….
J’ouvre mon ordinateur portable, je l’allume et je sélectionne le mail du secrétariat paroissial qui m’a communiqué comment accéder à « une salle de réunion » où les paroissiens de La Hulpe, désireux de suivre la messe, se sont donné rendez-vous. Internet a toujours été un labyrinthe pour moi.
N’empêche, je m’applique et en effet comme par enchantement je vois apparaître à l’écran 20 petits cadres juxtaposés et superposés dans lesquels je reconnais les uns et les autres de la paroisse.
Me voient-ils, je n’en sais trop rien ?! Ils ont l’air aussi surpris que moi de me voir là. Et moi le premier, j’ai l’impression de tomber dans je ne sais quelle réunion clandestine de partisans … Non, non…
Je tapote sur un bouton, j’en essaie un autre, et comme par magie, j’atterris face à l’autel de notre église ; je reconnais enfin François, notre curé, qui commence son office.
Ouf, me voilà à la bonne adresse… Je repère aussi un autre cadre où apparaît la chorale des jeunes ….
Je reviens aux petits tableaux dans lesquels j’identifie certains visages connus, les uns cérémonieux et droits comme des sphinx, les autres, principalement des enfants, rieurs et manifestement ravis de se voir sur le petit écran de l’ordinateur de leurs parents…
Curieux comme d’habitude, serais-je un brin voyeur, j’imagine avec grand intérêt l’univers particulier de chacun dans son lieu de vie à la seule vue des quelques meubles ou décorations murales visibles à l’écran.
La messe a commencé et je rejoins les autres participants. J’éprouve un réel bonheur à me « raccrocher » à une communauté de croyants réunis « virtuellement » face au chœur de notre église.
Nous voilà tous rassemblés alors que dans les faits nous sommes tous distants les uns des autres. Éloignés et parfois très éloignés…. J’ai suivi un jour la messe dominicale à plus de 2000 km de La Hulpe … Et dire que certains ne croient pas au don d’ubiquité du Bon Dieu !!!
Et voilà que notre bonne vieille Eglise se lance dans la livraison d’eucharisties paroissiales à domicile !!! Un peu comme Amazon ou Deliveroo … Où le consommateur d’aujourd’hui se fait livrer tout et n’importe quoi. Rien de neuf sous le soleil en fait : quand j’étais petit, le curé de mon village faisait le tour des foyers pour apporter la communion à celles et ceux qui ne pouvaient plus se rendre à l’église. Aujourd’hui il suffit d’un clic pour nous retrouver à l’église et pour prier en communauté !
J’ai beau être mobile, cela me fait du bien de participer à ce moment important de ma semaine … la messe.
Je suis heureux de constater que d’autres que moi éprouvent le besoin et le bonheur de ces retrouvailles tous ensemble … avec LUI, du haut de nos petits hublots…
Tout comme cela m’enchante de voir ce bouquet aux couleurs vives devant l’autel, de voir les vitraux aux couleurs éclatantes ou les lourdes colonnes de l’église, comme un symbole : « Pierre, tu es Pierre », nos fondements.
Quel plaisir aussi de voir le fond de l’église et ces quelques prises de vue du « caméraman » qui me font « re » -découvrir « mon » église d’un endroit différent de celui où je me place d’habitude. On ne se rend jamais suffisamment compte des trésors visuels qui nous entourent. Saint-Nicolas en est une belle illustration.
Certaines scènes de la célébration me touchent.
Il y a ce petit garçon qui vient se coucher au pied de l’autel pour jouer avec un morceau de papier. Il ignore que la « terre entière » l’observe avec tendresse ; un ange … urbi et orbi.
Je suis ému de voir la chorale composée principalement de petites jeunes filles manifestement heureuses de pouvoir se « lâcher » ENSEMBLE et chanter leurs élans de foi.
Emouvant aussi, cette maman qui dirige, imperturbable, la chorale avec dynamisme alors qu’à ses pieds son petit garçon vient se blottir entre ses jambes, menaçant son équilibre. Avec son « jeans » et son « pull », bien d’aujourd’hui, je vois en elle une « Mère à l’enfant » telle qu’eût pu la représenter un peintre contemporain.
Tableau discret mais tableau somptueux pour qui peut voir la beauté dans les scènes du quotidien.
Cris d’enfants ailleurs sous la nef…
Enfants de chœur gigotant sur leurs tabourets …
Il y a aussi ces formules connues, ces phrases prononcées et les idées proférées pendant l’homélie. Elles traversent l’écran et touchent nos cœurs : « ouvrir nos cœurs à ceux que nous n’arrivons pas à aimer » … « Ce que vous faites, faites-le pour la gloire de Dieu » … « Chante Alléluia au Seigneur … Chante … » … « Mon cœur te désire, viens Seigneur » …
Et puis le Bon Dieu fait bien les choses … il arrive même à faire apparaître les textes des chants et les annonces paroissiales à l’écran… C’est vrai, nous ne sommes pas sur place, nous n’avons pas fait le « signe » de paix ; nous ne communierons pas cette semaine-ci.
Mais est-ce important ?
L’important est que j’aie pu prier ; l’important est que, pendant cette messe, j’ai reçu la « Bonne nouvelle » ; l’important est que nous nous soyons salués par écran interposé ; l’important est d’avoir revu notre chère église ; l’important est que …
Ce dimanche matin Dieu est entré dans mon foyer … et dans mon cœur… Les paroles de notre curé sont arrivées jusqu’à nous….
Voilà l’important !
Quand j’étais enfant, je m’étonnais de la fidélité de ma grand-mère fort âgée qui du fond de sa campagne profonde ne ratait jamais sa messe du dimanche matin, retransmise en direct par l’ORTF … Ainsi, elle se sentait reliée à son Eglise.
Aujourd’hui, autres temps, autres mœurs, moi aussi j’ai envie de « ma » messe à La Hulpe, moi aussi j’ai soif d’y être, pour me sentir près des autres et près de Lui.
Lui qui crève l’écran pour venir nous toucher là où nous sommes !
Ah, un message apparaît à l’écran… signé JFB : « Bonne semaine à tous » !
Sympa !
Michel Wery.